Peut-on prendre du Viagra tous les jours ? Un éclairage médical

Traitement emblématique des troubles de l’érection, le Viagra® (sildénafil) est prescrit depuis plus de vingt ans à des millions d’hommes dans le monde. Mais au-delà de son utilisation ponctuelle, certains envisagent de le prendre quotidiennement. Est-ce recommandé ? Sans danger ? Efficace à long terme ? Plusieurs experts, dont le Pr Pierre Costa (urologue, sexologue) et le Dr Ghislaine Paris (sexologue), nous éclairent.
Comment fonctionne le Viagra® ?
Le Viagra est un médicament de la classe des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (PDE5). Il agit en facilitant la dilatation des vaisseaux sanguins, notamment au niveau du pénis, ce qui permet une meilleure érection en cas de stimulation sexuelle. Pris environ 30 à 60 minutes avant un rapport, son effet dure entre 4 et 6 heures.
Mais son action ne se limite pas à la sphère sexuelle. Comme le souligne le Dr Ghislaine Paris, "ces médicaments dilatent aussi les coronaires. Il a été montré qu'elles font du bien au cœur. En dehors des contre-indications qui sont assez rares, il ne faut pas en avoir peur".
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Peut-on en prendre tous les jours ?
La réponse est oui… mais sous certaines conditions. Pour le Pr Pierre Costa, urologue et sexologue, « il n’y a aucun danger à prendre du Viagra® régulièrement. Il y a un danger si on en prend alors qu’on n’en a pas besoin». Car c’est avant tout l’indication qui compte : en cas de dysfonction érectile avérée, un usage quotidien peut se justifier, à condition de respecter les doses et de consulter un médecin.
Il existe d’ailleurs des protocoles de traitement continu pour les troubles de l’érection, avec des molécules similaires comme le tadalafil (Cialis®), parfois prescrit à faible dose en prise quotidienne. Cette stratégie présente plusieurs avantages : moins d’effets secondaires liés aux pics de concentration, meilleure spontanéité sexuelle, et souvent une amélioration progressive de la fonction érectile.
Le Viagra® peut aussi être pris régulièrement, mais ce n’est pas sa forme la plus adaptée à une prise quotidienne. Son efficacité reste stable sur le long terme, mais la décision de l’utiliser tous les jours doit toujours faire l’objet d’une évaluation médicale.
Quels sont les risques d'une utilisation quotidienne ?
Prendre du Viagra® tous les jours n’est pas anodin. Le principal effet indésirable rapporté est la céphalée. Le Dr Ghislaine Paris, sexologue, explique : « Le patient a mal à la tête parce qu’il prend une dose forte avant une relation sexuelle. Il faut l’orienter vers une prise quotidienne, avec une dose moins forte, et voir si la douleur persiste».
Elle insiste sur la nécessité d’adapter le traitement à chaque patient. Il existe des alternatives comme le Cialis® en faible dose, ou d’autres molécules comme le Spedra® ou le Levitra®, aux profils légèrement différents : « Le Cialis® existe en forme quotidienne, ce qui est très intéressant pour certains hommes parce qu’en diminuant la dose, on a moins mal à la tête et on est plus disponible. Le Spedra® aurait moins d’effets secondaires. »
Sur le plan cardiovasculaire, les contre-indications sont rares mais importantes : antécédents cardiaques sévères, prise de dérivés nitrés pour l’angine de poitrine, ou incapacité du cœur à fournir un effort minimal. Le Pr Costa précise : « Il ne faut pas en avoir peur, sauf si le cœur est trop fatigué. » Une association entre Viagra® et dérivés nitrés peut entraîner une chute dangereuse de la tension artérielle.
Attention à la surconsommation et au mésusage
L’une des dérives actuelles observées par les professionnels de santé est l’utilisation du Viagra® par des hommes jeunes sans trouble érectile, dans un but de performance sexuelle. Le Dr Alain Ducardonnet, spécialiste santé, alerte : « Le problème vient des jeux de performance. On prend deux, trois, jusqu’à quatre pilules pour augmenter la durée et la qualité de l’érection. Dans les conditions normales, il n’y a pas tellement d’effets secondaires. L’important est de respecter les doses».
Cette recherche de performance sexuelle, surtout en dehors de toute indication médicale, peut conduire à une forme de dépendance psychologique. Le Dr Paris ajoute : « Cela va se retourner contre cette personne un jour ou l’autre. Elle va mal le vivre parce que la performance ne va pas être à la hauteur de ce qu’elle souhaite».
Ce phénomène touche surtout les jeunes adultes, influencés par des attentes irréalistes ou la pornographie. Pour ces patients, une approche globale (sexothérapie, dialogue avec un médecin ou un psychologue, accompagnement du couple) est souvent plus efficace qu’une solution médicamenteuse.
L’importance d’un suivi médical
Même si les effets secondaires restent rares dans un cadre médical, le risque d’un usage détourné est bien réel, notamment chez les plus jeunes. Le Dr Alain Ducardonnet met en garde contre les « jeux de performance » : « On prend plus de Viagra pour accroître les performances sexuelles, mais dans les conditions normales, il n'y a pas tellement d'effets secondaires. L’important est de respecter les doses. »
Cette course à la performance peut créer une forme de dépendance psychologique. « Cela pose question sur pourquoi cette personne en prend alors qu'elle n'en a pas besoin », alerte le Pr Costa. « Cela va se retourner contre cette personne un jour ou l'autre, il va mal le vivre parce que la performance ne va pas être à la hauteur de ce qu'il souhaite. »
Peut-on prendre du Viagra® tous les jours ?
Oui, mais pas n’importe comment. Une prise quotidienne de Viagra® est envisageable dans un cadre thérapeutique précis, après une évaluation médicale. Elle peut permettre une meilleure qualité de vie sexuelle à long terme, à condition de respecter les doses et de ne pas céder aux pressions de la performance.
En cas d’effets secondaires ou de doutes, des alternatives existent et doivent être explorées avec un professionnel de santé. Et surtout, il ne faut jamais prendre du Viagra® sans en avoir besoin : la sexualité n’est pas une compétition, et chaque homme mérite un accompagnement adapté.
Merci au Pr Pierre Costa, au Dr Ghislaine Paris et au Dr Alain Ducardonnet pour leurs précieuses contributions et éclairages médicaux sur ce sujet.
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